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On vit dans un monde de chien, mais le cinéma veille

Dernière mise à jour : 17 août

Dans les aéroports, les chiens reniflent les valises à la recherche de farine ; dans les parcs de Bogotá, ils remplacent les enfants ; dans les salons bourgeois de Paris, ils remplacent les amis. On vit dans un monde de chien, disais-je l’autre jour, et le plus ironique est que, dans ce monde saturé de croquettes et de laisses en cuir italien, le cinéma afrodisruptif trouve encore la force de lever la voix.


Projection en plein air Qubdó - © QAFF 2022
Projection en plein air Qubdó - © QAFF 2022

C’est là qu’entre en scène le Quibdó Africa Film Festival. Un festival né dans une ville tropicale, humide, invraisemblable – Quibdó, capitale du Chocó, où la pluie tombe comme si Dieu avait oublié d’éteindre le robinet du ciel. Une ville que les cartes postales officielles ignorent, mais où le fleuve Atrato s’enroule comme une phrase interminable de Gabriel García Márquez. Et c’est justement dans cette « périphérie » que nous avons planté, il y a sept ans, les racines d’un festival qui rêve de connecter les rives de l’Afrique et de sa diaspora.

À quoi bon un festival de cinéma afro à Quibdó ? me demande-t-on parfois, le sourcil levé comme un critique snob devant un popcorn trop salé. Je pourrais répondre avec des statistiques, des analyses géopolitiques ou des citations académiques… Mais la vérité est plus simple : parce que c’était impossible, et donc nécessaire. Parce qu’un écran blanc tendu sous la pluie peut, le temps d’une projection, abolir les frontières invisibles thème de cette édition. Parce que là où l’État arrive en retard, le cinéma arrive à l’heure.

Le QAFF 2025, c’est 71 films venus de 32 pays et territoires, des œuvres qui vont du documentaire rugueux au poème visuel expérimental, de l’animation joyeuse au long-métrage qui hante vos insomnies. On y traverse Lagos, Pointe-Noire, Medellín, Kinshasa, Salvador de Bahia, Cali, Luanda, et même des coins que Google Maps hésite à reconnaître. C’est un festival qui ne se contente pas de projeter : il dérange, il amuse, il dispute.

Ironie du sort, la plupart de nos projections sont gratuites luxe rare dans un monde où même l’eau en bouteille a son prix. Mais gratuit ne veut pas dire sans valeur. Nos spectateurs sortent souvent des films avec des yeux dilatés, comme si on leur avait injecté une dose de conscience critique dans la rétine. Et croyez-moi, ce n’est pas un effet secondaire désagréable.

Cette année, nous parlons de « Fronteras Invisibles ». Non pas les lignes qu’un GPS trace avec une précision chirurgicale, mais celles qui se glissent dans nos têtes : les préjugés, les stéréotypes, les silences hérités. Invisible comme la frontière qui sépare encore, dans certains esprits, l’art « noble » et l’art « communautaire ». Invisible comme la ligne entre ce qui est montré et ce qui est tu. Invisible comme l’histoire africaine dans les manuels scolaires européens, ou l’histoire afrocolombienne dans ceux de Bogotá.

Mais un festival n’est pas une messe, encore moins une séance de psychanalyse collective. Ici, il y aura des rires, des rythmes, des débats, des amours de festival, des cafés renversés sur des chemises blanches, et des nuits trop courtes. Les films sont le prétexte, les conversations le véritable trésor. Car si le cinéma est image, le festival est lien.

À ceux qui croient encore que l’Afrique est un pays, nous offrons un visa poétique vers 32 territoires différents. À ceux qui pensent que les diasporas ne sont que nostalgie, nous montrons qu’elles sont surtout invention. Et à ceux qui doutent que Quibdó puisse être capitale culturelle, nous répondons par une salle pleine un mardi après-midi, où des gamins de barrio découvrent pour la première fois qu’un film peut aussi leur parler d’eux, avec leur accent, leur douleur et leur rire.

Le QAFF n’est pas un tapis rouge sauf si vous comptez la boue rouge des rues après l’orage. Il n’a pas de yachts à louer, mais il a des pirogues. Pas de champagne à flûtes fines, mais du viche (notre rhum artisanal) servi avec une fierté qui vaut tous les cocktails mondains. Et surtout, il a une promesse : vous faire traverser ces fameuses frontières invisibles, sans passeport ni visa, juste avec les yeux grands ouverts.

Alors, dans ce monde de chien où l’on confond parfois divertissement et anesthésie, le Quibdó Africa Film Festival persiste, sept ans plus tard, à aboyer contre l’indifférence. Et croyez-moi, son aboiement ressemble étrangement à une mélodie.

 
 
 

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LE QUIBDÓ AFRICA FILM FESTIVAL 

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